Victoria Chantseva, lauréate du Prix solennel de thèse 2023

Victoria Chantseva est sociologue, docteure en sciences de l’éducation et de la formation, chercheuse postdoctorale à l’Université Sorbonne Paris Nord sur le projet PRAMATER (Regards croisés sur les pratiques pédagogiques et éducatives en France et au Québec). 

Elle a reçu le Prix solennel de thèse de la Chancellerie des Universités de Paris, en lettres et sciences humaines pour sa thèse « Rendre propre. Une enquête multi-située sur un travail éducatif (France, Russie, Norvège) » sous la direction de Pascale Garnier (sciences de l’éducation – EXPERICE)

Les résultats de ses recherches ont récemment été publiés dans les revues Le Temps des médias, Émulations, Revue des politiques sociales et familiales.

« Cette démarche permet de montrer comment le contrôle des « besoins naturels » relève de processus non pas « naturels », mais sociaux. »

Victoria Chantseva, chercheuse

Si vous deviez résumer votre thèse (en 180 mots), que diriez-vous ?

Malgré une pléthore de prescriptions normatives sur comment faire arrêter le port de couches aux jeunes enfants, la « propreté » se définit aujourd’hui comme une faculté qui doit apparaître « naturellement ». C’est ce paradoxe que cherche à élucider ma thèse. Pour cela, elle s’appuie sur plusieurs types de données : une étude sociohistorique de l’évolution des normes de la puériculture, une enquête sur les pratiques des parents et des professionnelles de la petite enfance, une analyse de la littérature jeunesse.

Pour mieux comprendre ce qui constitue les tendances générales, et ce qui relève des arrangements locaux, l’enquête de terrain est menée dans trois contextes nationaux contrastés : France, Russie et Norvège. Au-delà de prendre acte des « différences culturelles », la démarche comparative adoptée met en exergue le rôle des institutions d’accueil de la petite enfance, des industries, des groupes professionnels, et des formes de collaboration spécifiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace domestique. Cette démarche permet de montrer comment le contrôle des « besoins naturels » relève de processus non pas « naturels », mais sociaux.

Quelle est l’idée de départ de cette thèse, sa genèse ?

Au départ était mon étonnement face aux rayons d’albums pour enfants au sujet du pot et des excréments. Tous les pipis, On fait tous caca, Petit Ours Brun cherche son pot…  Les productions éditoriales sur ce sujet me paraissent improbables. Pourtant, elles ont un large succès autant dans les librairies que dans les sections jeunesse des bibliothèques.

Mon étonnement vient du fait que ces ouvrages traitent l’apprentissage élémentaire dans un registre explicite et comme une affaire digne d’un livre, alors même que la compétence visée, appelée, dans le jargon parental français, la « propreté », est censée être euphémisée et socialement invisible.

Le décalage entre le statut symbolique de l’objectif et les moyens pour l’atteindre est l’une des raisons qui me poussent à consacrer ma recherche doctorale à cet apprentissage. D’autres interrogations viendront ensuite, notamment par rapport au fait que la propreté est définie par les experts en petite enfance comme ne nécessitant pas d’apprentissage, mais comme une capacité qui relève d’une « acquisition naturelle ».

 

Avez-vous des projets pour la suite ?

En tant que chercheuse postdoctorale, je participe actuellement à une recherche comparative internationale, entre France et Québec, qui vise à comprendre comment la « réussite des enfants » à l’école maternelle est perçue et comprise par ses différents acteurs. J’ai été qualifiée aux fonctions de maître de conférences en sociologie et en sciences de l’éducation et de formation, et je projette de participer aux concours de recrutement cette année. En parallèle, je travaille sur la transformation de ma thèse en livre et prépare un projet de recherche sur l’évolution des connaissances relatives aux enfants.

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